shandynamiques
TRANSPORTER ?
ON EN REPARLERA
QUAND IL FAUDRA PORTER
QUELQUE CHOSE DE LOURD...
17 NOVEMBRE 2012
CERBÈRE / BELVÉDÈRE DU RAYON VERT
ARTISTES
Estelle Aeberhard
Pauline Allié
Clémence Aron
Dixit Balisto
Antoine Barrot
Margaux Cherasse
Camille Clergeot
Coline Creuzot
Simon Derouin
Marie-Hélène Gobbo
Elliot Jan
Melissa Kassab
Eun-Jung Kim
Charles Leite
Alexandre Paulus
Jason Rouillot
Aude Richards
Léo Sexer
Solène Simon
Myriam Urvoaz
Camille Varenne
Benoît Vidal
Pascal Zobrist
CURATED BY
Karine Vonna Zürcher
STATEMENT
Travaux des étudiants des écoles d'art de Clermont (F)
et Genève (CH) à l'issue d'un workshop animé à Cerbère
et Portbou par Cédric Loire (ÉSA Clermont Métropole), Katharina Hohmann et Delphine Reist (HEAD Genève)
et Karine Vonna Zürcher (Shandynamiques)
Pourquoi choisir Cerbère et Portbou pour organiser
un workshop autour des notions et pratiques de la dérive,
du déplacement, de l'arpentage et partant de "L'art portatif" ?
Parce que c'est à Portbou que le philosophe Walter Benjamin, éternel exilé poursuivi par le régime nazi, refoulé vers
la France de Vichy par les sbires de Franco, a choisi de mettre un terme à son errance le 26 septembre 1940 ? Parce que c'est là qu'il repose depuis, dans la fosse commune
du cimetière marin ? Parce que c'est là, tout autour
dudit cimetière, que le sculpteur Dani Karavan lui a rendu
un bel hommage, en même temps monumental et minimal, infra-mince, pratiquement imperceptible ? Parce que c'est
à Cerbère que se dresse, entre voie ferrée et mer Méditerranée, un chef-d'oeuvre aujourd'hui en péril
de l'architecture moderne, le fantôme de l'un de ces hôtels
de luxe que fréquentait sûrement au début du XXème siècle l'écrivain voyageur Paul Morand, dont la malette-écritoire inspira à Marcel Duchamp sa boîte-en-valise, "sans doute
la plus géniale tentative d'exaltation du portatif dans l'art" selon Enrique Vila-Matas ? Parce que c'est justement
à cet hôtel de Cerbère qu'on a donné le nom peu commun
de "Belvédère du Rayon Vert" ; un rayon vert qui fait non seulement penser au roman éponyme de Jules Verne,
mais aussi au titre de l'installation en forme de sculpture photographique conçue et réalisée par Marcel Duchamp
à l'occasion de la grande exposition surréaliste de 1947
à Paris ? Y aurait-il un lien de parenté entre Walter Benjamin
et Marcel Duchamp ?
Comme l'écrit l'écrivain catalan contemporain
Enrique Vila-Matas : "Walter Benjamin était aussi l'âme jumelle de Marcel Duchamp. Ils étaient l'un comme l'autre
et tout à la fois vagabonds, toujours en chemin, exilés
du monde de l'art et collectionneurs chargés d'objets,
c'est-à-dire de passions. Ils savaient l'un et l'autre
que miniaturiser c'est rendre portatif et que c'était là
le meilleur moyen de possession des choses pour
un vagabond ou un exilé".
Y aurait-il un lien de parenté entre Walter Benjamin,
auteur entre autres choses d'un voyage initiatique
où tout commence quand s'achève le récit — Le Narrateur, éd. Denoël, 1971 —, Paul Morand et Marcel Duchamp ?
Toujours selon le fantaisiste archiviste Vila-Matas — voleur
de noms et citations, auteur d'un Meccano de mots qui
prend de tels airs d'authentique qu'on ne sait plus comment distinguer le vrai du faux, le vraisemblable de l'incertain —,
ils seraient membres tous les trois, et avec eux une bonne centaine d'autres représentants de l'art portatif et ou
du portatif dans l'art, d'une société secrète dite shandy,
le terme shandy signifiant dans le dialecte du Yorkshire
où vécut Laurence Sterne, l'auteur de Tristram Shandy,
joyeux ou loufoque ou encore volubile : "L'exigence mise
à part d'un haut degré de folie, deux autres conditions indispensables furent requises pour appartenir à la société : en même temps qu'il fallait justifier d'une oeuvre qui ne pesât pas trop lourd et pût aisément tenir dans une mallette, l'autre clause obligatoire était de fonctionner en machine célibataire. D'autres caractéristiques, quoique non indispensables, étaient fortement recommandées car considérées comme typiquement shandys : esprit d'innovation, sexualité extrême, absence totale de grand dessein, nomadisme infatigable, coexistence tendue avec
la figure du double, sympathie à l'égard de la négritude, tendance à cultiver l'art de l'insolence."
Et cette gare de Cerbère que l'on persiste à dire
Gare internationale, alors que les trains et les voyageurs
se font de plus en plus rares, alors qu'on ne modifie plus depuis belle lurette l'écartement des roues de chaque wagon pour qu'il puisse circuler normalement sur des rails étrangers plus ou moins écartés une fois franchie la frontière, alors qu'il n'y a plus d'oranges à transborder ne serait-ce que le temps d'une performance en hommage à toutes les femmes dockers catalanes qui passaient en ce temps-là le plus clair de leur temps à faire ça pour une bouchée de pain, alors même que ces travailleuses furent les toutes premières
à déclencher en 1906 une grève générale qui dura
près d'un an : que devient cette gare à l'ère du TGV Perpignan-Barcelona via Gerona ?