shandynamiques
ALERTE MÉTÉO
CE SONT DES CHOSES
QUI ARRIVENT
DU 16 NOVEMBRE 2013 AU 16 FÉVRIER 2014
À SÉRIGNAN / MUSÉE RÉGIONAL D'ART CONTEMPORAIN
ARTISTES
Lorraine Balbo
Sarah Barré
Adrien Blondel
Maxime Boutin
Mona Costa
Camille Guibert
Pascale Hinault
Édouard Lécuyer
Jérémy Lopez
Wei Miao
Marilina Prigent
Nina Roussière
Laura Samé
Rosita Taurone
Xiaoye Wu
Dan Yuan
CURATED BY
Karine Vonna Zürcher
STATEMENT
À propos
de Vermilion Sands
Si c'était une histoire, ce serait celle d'une exposition à voir juste avant l'accrochage ou juste après le décrochage
des oeuvres. On pourrait d'ailleurs se poser des questions : sommes-nous dans un espace-temps d'exposition ?
Aurions-nous échoué sur l'esquisse d'une plage, au même titre que des tas d'autres choses, sans titre ou sans emploi, que l'on pourrait facilement confondre ici, au musée, avec des objets d'art ? Qui sait ? Le fait est que rien n'est accroché aux murs de ce white cube.
Exceptés le début et la fin d'un seul et même toboggan qui joue les passe-murailles (Maxime Boutin) et cet étrange objet volant qui rappelle (le radeau de) la méduse (Xiaoye Wu), tout le reste est au sol, gisant, échoué, comme rapporté, déposé par la mer. Il y a là, dans le désordre, toute une hétéroclite collection d'objets plus ou moins désoeuvrés :
une bouteille contenant un billet de banque (Wei Miao),
un plâtre dans un sac poubelle, un rouleau de papier kraft et un moine jaune (Jérémy Lopez), un cerceau rouge,
une chaise, une poutre, un cadre, des planches
et des canevas sans emploi (Adrien Blondel), une télé
vintage habitée par d'étranges créatures (Mona Costa),
de jeunes pousses de gazon dans de vieux bas nylon
(Dan Yuan), deux ou trois origamis en papier (Sarah Barré), de vieilles fripes roulées en boule (Pascale Hinault),
quelques fragiles parchemins d'argile (Lorraine Balbo),
un bloc de béton sur un socle d'oeufs frais (Xiaoye Wu),
deux gros plans sur les eaux polluées de la lagune vénitienne (Rosita Taurone), une série de gros cubes évidés dont il ne reste plus que les arêtes rouillées (Camille Guibert)...
Autant d'objets qui semblent ici déplacés, loin de leur fonction première, de leur valeur d'usage initiale.
Les matériaux convoqués par la plupart des jeunes diplômés des écoles d'art de Nîmes et Montpellier peuvent faire penser à ceux de l'arte povera — polyane, béton, verre, bois, papier, argile, sable, tissu, plâtre, ferraille... — sauf qu'ils ne sont
plus idéologiquement chargés. Ils font juste partie
de la gamme infinie des matières et matériaux ordinaires, bruts et/ou manufacturés, déjà-là, disponibles
ou récupérables. Ils sont neufs ou déjà usagés
ou déjà recyclés. Ils sont prêts à l'emploi.
Si cette exposition était une fiction, au-delà du premier épisode qui se serait déroulé sur cette plage jonchée
de traces, empreintes et autres vestiges d'un futur fait
de débris du présent (cf. ci-avant), au-delà de ce panorama zéro dont Robert Smithson disait qu'il semblait contenir
des ruines à l'envers, c'est-à-dire toutes les constructions
à venir, il y aurait la possibilité d'une ouverture dans
le second épisode et l'hypothèse d'un never ending,
d'une fin sans fin, en boucle, dans le troisième épisode.
L'ouverture, ce serait celle d'une mine dont il suffirait d'emprunter l'une des galeries — un corridor, un couloir — pour accéder à un gisement de matières grises, à des mines de plomb, à un filon de fils à plomb, à tout ce qu'il faut
de matériaux de construction et de déconstruction, calques, carbones et papiers millimétrés, pour relancer l'envie d'inventer de nouvelles perspectives, l'envie de dessiner
de nouveaux desseins, de nouvelles architectoniques
pour des projets plus diversels qu'universels.
Il y a là, sur les murs de cette galerie, une enseigne lumineuse qui invite tout passant à passer son chemin
ainsi qu'une série de cartes postales réactivant l'aura
de la première héliographie de Nièpce (Laura Samé),
les traces d'un dessin sur papier cerbone géant et des tracés au cordeau qui explorent la piste des diagonales pour échapper aux lignes verticales et horizontales (Nina Roussière), des tas de lignes verticales et horizontales parallèlement tracés en mode automatique, mécanique, répétitif, comme un pianiste fait ses gammes, comme une punition (Jérémy Lopez), trois buvards imbibés de l'infusion des tomes 1 et 2 d'À la recherche du temps perdu de Proust (Lorraine Balbo), un tondo tout en verre pilé (Pascale Hinault), l'histoire image par image de quelques illustres inconnus dont les petits récits sont en voie d'effacement
(Marilina Prigent), une horloge dont le temps a cessé
de passer (Wei Miao)...
Le never ending, ce serait une salle de plus, au-delà
de cette galerie. Quelque chose comme les grandes lignes d'un projet de recherche de solutions décroissantes, minimales, inframinces, pour inventer de nouveaux modes de monstration, pour aller jusqu'à préfigurer la possibilité d'un endroit qui se trouverait dans une certaine achronie, hors de portée des assauts de l'éternel retour du déjà vu.
La fin sans fin de cette Alerte Météo, ce serait juste quelques indices. D'abord le fait que le toboggan du premier épisode
est coupé en deux et que c'est bel et bien sa chute, sa fin,
son terminus que l'on voit en premier (Maxime Boutin). Ensuite le fait que c'est une lumière noire qui révèle
dans le dernier épisode les imperceptibles défauts
du white cube, son manque de finition (Édouard Lécuyer). Enfin le fait qu'avant de redevenir papier, avant de revenir une fois recyclé à sa fonction première, le papier peut alimenter dans le troisième et dernier épisode
une fontaine de confettis (Maxime Boutin).