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CERBÈRE

Cerbère n'était autrefois qu'un hameau rattaché à la commune de Banyuls.

Ce n'est qu'en 1888, avec l'arrivée du chemin de fer et du premier train en gare de Cerbère, que le hameau est devenu une commune à part entière. La route

et l'automobile sont arrivées à Cerbère un peu plus tard. Conçue et construite par Gustave Eiffel sur une vaste et spectaculaire plateforme de soutènement,

la gare a longtemps été pour Cerbère le premier générateur de possibles

et un gisement d'emplois essentiel.

C'était avant. Avant la crise et le TGV...

Aujourd'hui, avec une gare toujours là mais qui ne fonctionne plus du tout

à plein régime, ni côté fret ni côté voyageurs, avec tout ce qui tournait et ou

qui tourne encore autour de ladite gare, l'hôtel dit Belvédère du Rayon Vert,

le fantôme de Marcel Duchamp, la grève historique des transbordeuses,

la proximité de Portbou où repose Walter Benjamin, etc. le site de Cerbère

constitue un contexte idéal pour accueillir toutes sortes de workshops.

En novembre 2012, le tout premier workshop organisé ici par Shandynamiques, avec des étudiants et des enseignants de la Haute École d'Art et de Design de

Genève (CH) et de l'École Supérieure d'Art de Clermont Métropole (F), était dédié à "la dérive" et à "l'art portatif". Dès 2013, étant donnés primo la douceur du climat de ce petit pays paysage, secundo le "capital symbolique" de ce site 

avec Benjamin à Portbou et Duchamp à Cerbère, avec des chemins 

de randonnée hier empruntés par résistants, passeurs et exilés politiques, d'autres workshops peuvent être organisés à la demande pour d'autres   étudiants d'autres écoles d'art, sur d'autres thèmes, d'autres pistes :

 

- NO WORK NO SHOP — par exemple — à partir et autour de l'idée de la crise, en attendant la fin du monde du travail, de la production, du marketing, du business...

 

- PETITS ET GRANDS RÉCITS — autre exemple — à partir et autour de quelques grandes pages d'histoire ici écrites par d'illustres anonymes, des gens sans histoire, sans nom... Comme ces transbordeuses d'oranges de Cerbère qui osèrent déclencher en 1906 la toute première grève générale de femmes travailleuses... Comme tous ces anarchistes catalans et tous ces républicains espagnols qui ont dû fuir le franquisme... Comme tous ces ammanites morts à l'ouvrage dans les usines de dynamite des Nobel à Paulilles... 

La gare internationale



Au milieu du XIXème siècle, l'industrie connaît une révolution : celle des transports.
Le développement du chemin de fer à travers l'Europe est fulgurant. Toutes ls grandes destinations doivent être reliées. Pour relier Paris et Madrid, il fallait donc imaginer une ligne franchissant les Pyrénées. Après bien des hésitations , Le choix se porta sur un tracé côtier,  prenant en compte les activités portuaires de Port-Vendres, avec l'Afrique notamment.

 

Au bout du bout de ce tracé, il y avait Cerbère. Et pour franchir la frontière, pour relier  Cerbère à Portbou, il fallut encore percer un tunnel : celui des Balistres. Son percement aura duré cinq ans. D'une longueur de 1064 m, il fut creusé à la force des bras par quelque 500ouvriers. Restait à résoudre un problème majeur, celui de l'écartement des voies qui était différent de part et d'autre de la frontière : 1, 44 m côté France contre 1,67 m côté Espagne. Que faire ? Pour résoudre ce problème et traiter les flux de marchandises à la    frontière, il fut convenu le 8 juillet 1878 qu'il y aurait une voie espagnole allant jusqu'à Cerbère, et une voie française allant jusqu'à Portbou. Ainsi naquit le nouveau métier des Transbordeuses pour faire passer les marchandises d'un wagon espagnol à un wagon français et vice versa.

Les transbordeuses

La différence d'écartement des voies ferrées de part et d'autre des Pyrénées est donc à l'origine de toute l'activité locale, à Cerbère comme à Portbou. Toutes les marchandises, essentiellement les fruits, les agrumes, les oranges et les citrons, seront ici manutentionés
et conditionnés pour être transférés d'un wagon à l'autre. Cette activité de transit,
d'import - export dite de transbordement, aura permis de fournir du travail à quantité
de femmes du cru. Pourquoi des femmes ? Parce qu'elles étaient moins chères que la
main-d'oeuvre masculine sur le marché du travail. En tout cas, jusqu'à ce qu'elles
se révoltent pour déclencher en 1906 l'une des toutes premières grèves générales
de femmes travailleuses.

Le Belvédère du Rayon Vert


En ce temps-là la Jet Set parcourait l'Europe dans des trains de luxe et faisaient évidemment étape entre deux trains dans des hôtels de luxe pareils à celui dit à Cerbère
le Belvédère du Rayon Vert, construit entre 1925 et 1932 par l'architecte Léon Baille. Un hôtel tout en béton armé, en forme de paquebot, avec salle de spectacle, cinéma, casino, restaurant et terrains de tennis sur un toit en terrasse. Il fallait être persuadé que mis à part une catastrophe rien ne pouvait empêcher de faire tourner un tel navire hôtelier. La catastrophe eu malheureusement lieu en 1936 lorsque la Guerre Civile espagnole imposa la fermeture des frontières... Aujourd'hui inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, ce chef-d'oeuvre en péril d'une certaine idée de la modernité qui porte étrangement ce nom de Belvédère du Rayon Vert renvoie tout à la fois au roman éponyme de Jules Verne — une croisière avec duel entre science et magie — et à l'installation photographique ainsi titrée également que Duchamp avait conçue en 1947 pour la grande exposition du surréalisme à la Galerie Maeght de Paris — le hublot d'un paquebot avec vue sur une ligne d'horizon oblique, houle oblige, d'où jaillissait par intermittence, comme un éclair, le rai de lumière d'un green flash : le Rayon Vert.

Marcel Duchamp

Il est vrai que le fantôme de Marcel Duchamp se promène toujours dans les rues de Cerbère et Portbou. Il est vrai que l'anartiste Duchamp avait coutume de passer ses étés à deux pas de Portbou, à Cadèques , en compagnie de sa femme Tinny et de Dali et Gala, ses amis. Il est vrai que dans son "Abrégé d'histoire de la littérature portative", Enrique Vila-Matas se souvient d'une conversation qu'il avait eue avec Marcel Duchamp à la terrasse d'un café de Portbou, devant le soir déclinant du dernier jour de l'été 1966, terrasse d'un café qui se trouve tout près de la pension où Walter Benjamin avait choisi de mettre fin à ses jours : "Tout en buvant du pastis, Duchamp me parle avec émotion de ce suicide involontaire..." 

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