CURATED BY
KARINE VONNA ZÜRCHER

DIRECTRICE ARTISTIQUE DES SHANDYNAMIQUES

MÉDIATRICE RELAIS DE LA FONDATION DE FRANCE

PRODUCED BY
FONDATION DE FRANCE / ACTION NOUVEAUX COMMANDITAIRES

FONDATION DANIEL ET NINA CARASSO / ART CITOYEN

SNCF RÉSEAUX LANGUEDOC ROUSSILLON

COMMUNE DE CERBÈRE

COMMUNAUTÉ DES COMMUNES DE LA CÔTE VERMEILLE

DÉPARTEMENT DES PYRÉNÉES ORIENTALES

RÉGION LANGUEDOC-ROUSSILLON-MIDI-PYRÉNÉES

MINISTÈRE DE LA CULTURE / DIRECTION RÉGIONALE DES AFFAIRES CULTURELLES DU LANGUEDOC-ROUSSILLON-MIDI-PYRÉNÉES


ARTISTE INTERVENANT​
OLIVIER MOSSET
​
PROJET

DE WALTER BENJAMIN

AUX FAMEUSES TRANSBORDEUSES

 

La première fois que je suis venue à Cerbère, j'ignorais tout de l'histoire de ces travailleuses qu'on appelait ici les transbordeuses pour la bonne raison qu'elles transbordaient, de jour comme de nuit, quand c'était la saison, des agrumes genre oranges, mandarines, citrons et grenades, des wagons espagnols vers les wagons français... Alors j'ai écouté ce que disaient racontaient les gens d'ici à propos de ces drôles de wagons— qui n'avaient pas la même largeur de part et d'autre des Pyrénées — et de ces drôles

de dames qui osèrent les premières déclencher une grève générale

de femmes ouvrières en février 1906 pour obtenir de meilleures

conditions de travail...

 

La première fois que je suis venue à Cerbère, je savais que Walter Benjamin — le philosophe du déclin de l'aura de l'oeuvre d'art mais aussi l'exilé

qui mit fin à ces jours à deux pas, à Portbou où personne ne savait

qui il était vraiment, à Portbou où il fut malgré tout inhumé sous le nom d'un Walter prénommé Benjamin — reposait dans le coin depuis 1940... Alors j'ai fait le rapprochement entre ces illustres inconnues que sont les transbordeuses et une petite phrase de Walter Benjamin que Dani Karavan a choisi de graver à même le verre au bout du bout de l'escalier d'acier cortène qui constitue la pièce maîtresse du minimal Mémorial Benjamin qu'il a signé à Portbou : "C'est bien plus difficile d'honorer la mémoire des anonymes que celles des personnes célèbres."... Alors je me suis dit qu'il était temps grand temps de faire quelque chose pour honorer non seulement la mémoire des transbordeuses mais aussi celle des anonymes auteur(e)s de quantité de petits récits qui participent toujours à l'écriture

de ce grand récit qu'on appelle l'Histoire...

 

La première fois que je suis revenue à Cerbère avec l'idée de réactiver la mémoire et les valeurs, le style de vie, le souci de soi autant que des autres,

qui étaient ceux des transbordeuses, j'ai eu la chance et le plaisir de rencontrer un homme exceptionnel : Denis Calcine, adjoint au maire de Cerbère chargé entre autres choses de la culture... C'est avec lui, avec ses intuitions et sa globale confiance, que Shandynamiques a pu concevoir et mettre en oeuvre primo l'idée d'inaugurer une petite place du village dédiée aux transbordeuses, secundo l'idée de confier à l'artiste Olivier Mosset (Suisse, vit et travaille à Tucson - USA) le soin d'imaginer un projet

à facettes multiples qui aurait vocation d'honorer non seulement

la mémoire des transbordeuses mais également celle de bien d'autres illustres inconnu(e)s, comme ces républicain(e)s espagnol(e)s qui ont fui

le franquisme via le tunnel des Balistres, comme tou(te)s ces ammanites

qui furent tué(e)s à la tâche dans les fabriques de dynamite des frères Nobel

à Paulilles, à deux pas de Cerbère, comme cet anonyme Benjamin Walter qui repose paisible aujourd'hui dans la fosse commune du cimetière marin de Portbou...

 

D'où l'idée de lancer, de mettre en chantier et d'inaugurer à Cerbère — avec Shandynamiques, avec Denis Calcine et des tas d'autres citoyens cerbériens, avec Olivier Mosset et quelques autres artistes, avec la Fondation de France et son programme dit des Nouveaux Commanditaires — un Mémorial des Transbordeuses qui fournirait en quelque sorte au Mémorial Benjamin cet anonyme écho qui faisait jusque-là défaut... D'où l'idée de donner carte blanche à Olivier Mosset pour concevoir et conduire ce projet... D'où les premières pistes de travail proposées par Olivier Mosset :

 

—  PRIMO restaurer et ré-installer côté parking de l'Office de Tourisme 

la statue en résine de la transbordeuse réalisée il ya une vingtaine d'années par le sculpteur toulousain Philippe Laborderie. Réaliser et ériger parallèlement une reproduction en bronze qu'Olivier Mosset signera

en mode appropriationniste. De sorte que tout visiteur, tout marcheur,

tout flâneur, tout promeneur, tout passant de passage pourra comprendre qu'il fallait minimum deux transbordeuses pour que les agrumes d'Espagne puissent être appréciées plus au nord, au-delà de Cerbère...  

Cette Phase 1 / Statuaire du projet est aujourd'hui terminée. L'érection et l'inauguration officielle ont eu lieu le dimanche 17 juillet 2017. 

 

— SECUNDO investir le site dit du Chaudron qui se trouve au beau milieu

du tunnel dit du Ribéral, ce haut-fourneau sans emploi depuis la fin des machines à vapeur, ce beau tondo à ciel ouvert qui nous invite à mettre en oeuvre sa renaissance. Concevoir et créer in situ, sur deux socles de béton monochrome qui occuperont les deux hémicycles naturels sis de part

et d'autre de la chaussée, qui va de Cerbère au hameau dit du Mas Mingou, quelque chose comme un trou de mémoire, comme une aire de repos,

de silence et de réflexion, une zone zen à partir de laquelle on pourrait

se souvenir des transbordeuses et peut-être penser un projet de société fondé sur les valeurs qui étaient les leurs : combativité, pugnacité, solidarité... Et pour que ce trou de mémoire puisse avoir également 

vocation de puits de lumière, pour que les nuits, toutes ces nuits parfois devenues si sombres qu'on ne les voit pas, puissent à l'avenir bénéficier

des "lumières" des transbordeuses, Olivier Mosset a choisi d'émettre

à partir de ce puits, au-delà du tondo tendance renaissance que son cratère, son au-delà de la margelle, offre à des monochromes azur (en mode diurne) ou noir (en mode nocturne),  un rayon lumineux orange et vertical.

La mise en oeuvre de cette Phase 2 / Lumière du projet devrait commencer début 2017.    

 

— TERTIO installer un véritable Musée des Transbordeuses dans les locaux du Buffet de la Gare aujourd'hui sans emploi. Ce qui veut dire que les objets, photos et autres documents relatifs à l'histoire des transbordeuses, qui dormaient dans le vieux wagon espagnol garé sur le parking de l'Office de Tourisme, vont être déménagés, présentés en mode muséographique, enfin rendus visibles, lisibles et intelligibles pour tout public. Ce qui veut dire qu'au-delà de l'histoire des transbordeuses elles-mêmes, nous ferons tout ce qu'il faut pour que ce musée s'intéresse également à d'autres histoires, d'autres petits récits écrits par des sans nom, des anonymes, des personnes ordinaires, des humbles, d'illustres inconnu(e)s... D'où l'idée des Résidences Shandynamiques mises en oeuvre depuis 2013 pour permettre

à des artistes de penser, d'esquisser, de produire, de présenter des projets qui iraient dans ce sens. Premiers artistes invités : Élisa Larvego (Suisse) et Éléonore de Montesquiou (France-Estonie) en 2013 ; Élisa Larvego (Suisse), Cathryn Boch (France), Djamel Kokene (Algérie) et Marilina Prigent (Argentine) en 2014. Les travaux des artistes accueillis en résidence devraient faire l'objet d'une première présentation à l'occasion de l'inauguration du Musée des Transbordeuses et autres illustres inconnu(e)s *​

 

Karine Vonna Zürcher